Extrait tiré du blog de Michel Chion que nous avons cité plusieurs fois sur ce blog. Ici il décrit la première scène du film Il était une fois dans l'Ouest (Sergio Leone, 1968)
"Le réalisateur, que j'ai interviewé en 1984 pour la sortie d'Il était une fois en Amérique, quand j'étais journaliste aux Cahiers, exprimait une fierté enfantine, mais justifiée, que ce début soit analysé dans les universités américaines. Je me plais à penser que lorsqu'il a fait ce film, il en avait assez que sa mise en scène soit automatiquement associée aux sonorités si caractéristiques d'Ennio Morricone : il construit donc un début sans musique, et le fait durer aussi longtemps que possible. Trois vilains patibulaires attendent, dans une gare isolée, le train leur amenant l'homme qu'ils doivent tuer. L'un fait craquer ses doigts, l'autre entend placidement une goutte d'eau tomber sur sa tête puis sur son chapeau, le troisième s'agace d'une mouche avant de la capturer dans le canon de son revolver pour se bercer de son bourdon. La musique - le fameux harmonica - , intervient au bout de quinze minutes, et son miaulement provient de la bouche de l'homme qu'ils attendent. Toujours aussi fort. Une grande période pour le cinéma populaire."
Source:
michelchion.com/blog/56-entre-deux-images-n-12-top-list-n-9
En regardant la Nouvelle Vague de Godard, je me suis arrêtée sur l'une des premières scènes. J'ai observé le rapport qui existe entre la musique et l'image, puis la relation entre la musique et le bruit qui se croisent et se confondent. Pendant que l'homme marche au bord de la route, le fond sonore est une musique lente et planante, des sons de violon créent une atmosphère clame, paisible. De loin on entend des klaxons d'un camion qui s'approche. Les bruits se détachent de la musique, la perturbent. Les bruits interviennent au début comme des «accidents» qui s'ajoutent sur un son ou une mélodie principale. L'image est coupée soudain et on n'entend que le klaxon fort du camion qu'on ne voit plus. Le bruit se mêle avec la musique du fond, il perd son signifiant et continue à exister par lui-même. Les klaxons se répètent, s'accumulent, s'intensifient et créent une tension. Entretemps, la caméra fait un lent travelling le long d'un paysage. L'image et le mouvement de la caméra présentent un contraste et un décalage par rapport au son et le rythme de plus en plus dens. Le son devient autonome par rapport à l'image.
Il y a un rapport interéssant entre le son et l'image- une tension qui se crée entre les deux.
J'ai pensé à ta vidéo „marche“: Le bruit y intervient comme élément de tension...
s
La Nouvelle Vague ça fait longtemps que je n'ai pas revu ce film.
C'est vrai que le rapport entre le son et l'image sur ce film est incroyable, ça me fait également penser à Week end et la fameuse scène du trafic.
C'est un long plan séquence où les klaxons se font entendre en continue. Les voix des gens qui parlent s'y mêlent puis celles d'un groupe d'enfant qui chantent. Des klaxons à répétition puis une musique dramatique s'ajoute et s'arrête. Les voix des gens qui se plaignent de plus en plus fort reprennent de nouveau, les klaxons deviennent une sorte de concerto dissonant et se mêlent de nouveau à une musique classique amenant une tension dramatique au fur et à mesure que la caméra avance. Les klaxons s'arrêtent et la musique reprend seule lorsque l'on découvre la cause du trafic, un accident.
Tu me parlais de la vidéo que je t'ai montré il y a peu de temps. C'était une marche en montagne. L'image est le point de vu du marcheur mais sans aucun repère dans l'espace. Le son est un contre- point. Ce qu'on entend, c'est une respiration et des pas qui se mêlent au bruit de la nature. Au bout d'un moment, le son est parasité par celui d'un hélicoptère. Il tourne régulièrement. On l'entend de loin comme un fond sonore puis de plus en plus près, ce qui apporte une tension dans l'image pourtant elle ne change pas, c'est toujours le même point de vu. Plus le son de l'hélicoptère se répète plus la tension dramatique s'installe. Tous les sons se mêlent et existent ensemble ils deviennent ensuite autonomes. Dans cette vidéo l'image suggère le lieu mais c'est le son qui raconte et qui donne sens.
c
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire