«La dernière bande» de Samuel Becket
Dans cette pièce y existe une forte dualité entre le personnage Krapp et l‘objet sonore qu‘il me semble important d‘analyser pour comprendre la notion de répétition.
Krapp écoute les enregistrements de ses anniversaires précédents. Il repasse en boucle, arrête, reprend, répète et change de bande. Le spectateur assiste alors à des variations d‘écoute que le personnage active. Cette répétition est importante pour le rythme qui s‘installe et qui se brise. Entre le souvenir, le passé et le présent, il se crée au fur et à mesure une tension entre le magnétophone et le personnage. Cette tension est d‘autant plus renforcée car Samuel Becket inscrit son personnage comme étant dur d‘oreille: l‘écoute devient un effort ce qui renforce encore plus la tension. Le magnétophone devient un second personnage de la pièce: c‘est le souvenir de Krapp. C‘est ainsi que l‘objet sonore se transforme, il prend une nouvelle force puisqu‘il devient la mémoire du personnage principale. Il y a là une relation intime qui se crée d‘autant plus qu‘elle nécessite un effort pour se manifester de la part du personnage et qui redouble pour le spectateur, qui lui entend parfaitement ce qui est dit. Le spectateur se focalise alors sur l‘écoute personnage principale. L‘étude autour de cette pièce me permet de comprendre les mécanismes mis en oeuvre afin de créer une tension entre le personnage principale et le magnétophone. La tension dramatique portée par Samuel Becket est d‘autant plus forte grâce au jeu de répétition des voix enregistrées qu‘il passe et qu‘il repasse jusqu‘à même l‘épuisement. Cette épuisement se marque par le jeu de l‘interprétation. Ici la notion d‘intention du personnage de Krapp se manifeste par différentes intonations venant compléter le jeu de l‘écoute. J‘interprète ce jeu comme une musicalité où le personnage joue sur un enregistrement et fait ressortir les mots à travers différentes inflexions, accentuations et ré-attaques du mot qu‘il ponctue par un souffle, une inspiration ou un allongement. Ainsi apodose et silence viennent rompre les rythmes installés et placent un jeu de répétition. De la même manière que la construction d‘une phrase formée de la protase, l‘acmé et l‘apodose indiquant le rythme à respecter pour la bonne compréhension du sens d‘une phrase et qui serait interrompue par la répétition de syllabe venant ajouter un nouveau rythme une nouvelle esthétique et remettant en jeu la compréhension changée et troublée.
La notion de bruit,de son et de brouillage de l‘écoute afin d‘emmener le spectateur vers une nouvelle écoute. Le personnage oppose ce qu‘il ressent et ce qu‘il écoute et instaure une dualité, une confrontation avec le souvenir. Il crée alors une musicalité verbale à travers des inflexions et des négations, le refus de ce qui c‘est passé que j‘entends comme une musique dissonante grâce à ce jeu binaire positif et négatif comme deux notes qui n‘ont rien à voir l‘une avec l‘autre mais qui s‘installe pour une nouvelle harmonie. Lorsque le jeu d‘intimité se fait entre les deux personnages, il y a là une harmonie qui devient présente. Krapp fait écho à ce qu‘il entend et le développe, il emmène le spectateur dans une nouvelle mélodie. Ainsi ces différentes bandes sonores qu‘il active pose une première base rythmique sur laquelle il intervient par une intention dramaturgique écrite pour le personnage de Krapp. Acteur ou témoin de ce qu‘il entend lorsqu‘il intervient et s‘exclame, il interrompe le jeu rythmique l‘arrêtant pour renforcer la tension dramatique ou pour encore souligner et marquer son souvenir oublié. Au fur et à mesure que le rythme s‘installe puis coupé et répété, la notion de temps s‘efface.
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